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Ma vie d'aidant
Temps de lecture 14 min
La vie avec une personne souffrant de la maladie d'Alzheimer peut réserver quelques surprises. Pour éviter de se laisser surprendre, ou d'exposer le proche à une incompréhension, source d'angoisse inutile, il peut s'avérer précieux de comprendre les mécanismes de la maladie et de réorganiser le quotidien. Communiquer autrement, affronter les troubles de la connaissance, du geste et de la parole, faire face aux pertes de repères, autant d'éléments à appréhender pour mieux supporter la maladie et son évolution. Conseils et astuces.
Une personne souffrant de la maladie d’Alzheimer oublie l’ordre dans lequel s’enfilent les vêtements. Elle commet des erreurs tout en croyant s’être habillée correctement. Ce qui peut être une source de conflit avec son entourage. Pour l’éviter, un minimum de psychologie s’impose, ainsi qu’une bonne connaissance des habitudes d’autrui.
Premier exemple : une épouse aura raison de rappeler à son mari les codes de bonne conduite et de faire vibrer une corde sensible chez lui en lui disant : “Que tes habits sont sales. Qu’est-ce que les gens vont penser de moi ? Aide-moi à te changer !“
Deuxième exemple : l’homme qui s’adresse à sa femme doit aussi lui remémorer qu’elle était toujours “tirée à quatre épingles” et se parfumait. D’où une possible remarque qui sera dite sans acrimonie : “Tu sens mauvais, ça m’étonne de toi ! Aide-moi à te changer.“
Il faut placer les vêtements bien en vue, dans l’ordre où ils doivent
être enfilés, et cacher les vêtements de nuit.
Utiliser pour le linge
de corps des effets en coton plutôt que du synthétique aussi sophistiqué
soit-il : le malade transpire et ne sait comment l’exprimer.
Dès qu’une aide à l’habillage devient nécessaire, il faut accompagner verbalement les gestes : “Nous allons mettre la jambe gauche du pantalon.”
Avoir recours le plus possible aux attaches type velcro pour les chaussures ou les habits.
Demander à la personne malade de participer à l’entretien du linge : trier le linge, plier des serviettes, etc.
En présence de la personne atteinte d’Alzheimer, poser les vêtements de nuit en évidence, fermer les volets, tirer les rideaux, allumer la lampe de chevet, ouvrir le lit… Ces actes, répétés chaque jour, représentent un rituel qui facilite l’étape suivante, celle du “je me couche”.
Chaque personne a un rituel pour les actes de la vie quotidienne. Si on peut le percevoir et en reproduire les conditions. Laisser une veilleuse allumée… et toujours une caresse ou un câlin en disant bonne nuit !
Pour éviter l’incontinence urinaire, on peut tenter de créer un rythme : proposer une boisson et conduire aux toilettes une heure après. En revanche, il est déconseillé d’amener le malade aux toilettes toutes les heures s’il n’a pas bu abondamment auparavant. Ces allées et venues inutiles seront vécues comme une agression et provoqueront colère et refus.
Régler l’heure d’aller à la selle est aussi une nécessité : cela évite les déconvenues si une sortie est prévue, ou au moment du repas. Il est bon de tenir compte des horaires qui étaient antérieurement ceux de la personne.
La propreté relève du registre de l’aide limitée.
Convenablement guidé et stimulé, le malade doit être capable pendant longtemps d’effectuer des gestes familiers, réalisés chaque jour durant toute une vie. Le prix de cette relative autonomie est la lenteur. Il faut s’armer de patience en dirigeant les mouvements, tout en maintenant avec l’autre main un contact corporel indispensable.
Si la toilette est faite par un tiers, celui-ci ne doit pas commencer
par le visage mais par les membres supérieurs (mains, bras). Il est
indispensable toujours de “parler le geste” en cours de réalisation.
C’est ainsi que nous aurons des conversations de ce type : "Papa (maman), je vais te laver le bras (prédictif). Je te soulève le bras, c’est le bras gauche, je te savonne le dessus de la main, la paume, je te lave l’avant-bras, je te le lève, etc."
Autant que possible, il faut maintenir avec l’autre main un contact peau à peau, sans gants de plastique.
Profiter de la toilette pour proposer un massage de la plante des pieds, des mains, du dos, qui sécurise. Ce n’est plus de l’hygiène, c’est un cadeau.
Boire. La sensation de soif diminue chez toutes les personnes âgées. La déshydratation peut provoquer des états de confusion et d’agitation. Boire beaucoup d’eau est indispensable. Il est donc bénéfique de décoder le “comportement de soif” afin d’offrir à boire. Faire boire beaucoup est primordial : si aucun signe n’attire votre attention, proposez à boire, souvent…
Buvez vous-même devant elle, ou trinquez avec elle si nécessaire. Utilisez de petites bouteilles, déjà ouvertes et pas trop lourdes.
Manger. Pour recréer le désir de manger, disposer bien en vue des assiettes remplies d’aliments faciles à saisir et à consommer (fruits secs et frais de saison, petits biscuits) associés à un verre rempli d’eau ou de jus de fruit ; et picorer soi-même.
S’asseoir pour manger. Ne jamais faire manger en restant debout : la personne ne voit pas votre visage et peut se sentir agressée par un objet métallique — cuiller, fourchette, couteau… — tombant du ciel, ou venant cogner sa lèvre supérieure… alors que normalement le premier contact est avec la lèvre inférieure. Placer la personne en bout de table ; s’asseoir en se plaçant sur le petit côté ; tenir doucement sa main ; appuyer avec la cuiller sur sa lèvre inférieure.
Erreur. Lorsque la personne utilise un objet par erreur (chaussure pour boire, fourchette à la place de la cuiller…), lui donner le bon objet et reprendre ensuite l’autre, sans s’exclamer, sans porter de jugement, sans commentaire : elle a oublié la fonction des objets usuels. Toute réflexion peut la rendre honteuse, vexée et développer son agressivité.
Pour éveiller l’appétit, faire marcher et donner quinze à vingt minutes avant les repas un morceau de fromage non gras (type gruyère). Cette technique donne parfois de bons résultats.
Comment gérer les questions répétitives ?
Inutile de répondre : “Je te l’ai déjà dit ” ; ou “Ne pose pas des questions idiotes” ; “Arrête de demander toujours la même chose.“
Mieux vaut renvoyer la question : “Et toi, qu’en penses-tu ?” Elle connaît souvent la réponse : sa question n’est que l’expression d’un besoin de communication résultant d’un climat intérieur.
Attention, un malade se rend compte quand on lui ment.
Ne pas poser des questions dont on sait qu’elles sont inutiles.
Dire : ” Tu n’as tout de même pas oublié le prénom des petits-enfants ? ” est culpabilisant. Soit le malade les a oubliés et il en éprouve un sentiment de honte, soit il les a reconnus et alors, il manifeste son contentement à sa façon, par un langage non verbal (ses yeux brillent ; il prend la main de ses petits-enfants).
Eviter les propos désobligeants
Ne jamais tenir de propos négatifs sur un malade quand il peut entendre.
Exemple :“Elle est comme une plante.” Ce que la personne malade ressent et comprend nous est inconnu.
De l’importance des visites
Demandez à ses amis ou relations de lui faire des visites fréquentes, même si elles sont de courte durée, “pour lui donner des nouvelles de la ville”.
Eviter les mines d’enterrement.
Eviter les questions qui peuvent susciter la honte : ”Tu te souviens du jour où …?“
Eviter tout ce qui peut attrister.
Accepter l’incompréhension
Quand la personne parle sans qu’on comprenne un mot de son discours, ne pas la rabrouer. Ecoutons-la en manifestant notre présence de temps en temps par des “tiens, tiens… ” ou “ah bon !” ou “c’est bien vrai“…
Si elle semble poser une question, l’expression de sa voix, de son visage et de son regard doit permettre de savoir s’il faut répondre par l’affirmative ou par la négative.
Au fur et à mesure que la démence progresse, la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer perd la notion du temps. Elle ne connaît plus la date, confond les saisons… Elle peut demander l’heure dix fois par jour, machinalement, sans raison apparente. Elle ne peut plus raconter sa vie chronologiquement. Elle peut aller se coucher à 17 heures et faire des courses à 23 heures. Dans la famille, l’inquiétude et la fatigue psychologique augmentent : “Qu’est-ce qu’on va devenir ?“
Ensuite, survient la désorientation spatiale : la personne sort pour aller à un endroit habituel (chez ses enfants, acheter le journal, etc.), mais il lui est difficile de retrouver son chemin. Elle arrive à la maison déçue, triste et angoissée.
Un peu plus tard, elle se perd sur le chemin du retour… et se demande : “Où suis-je ?” ; ”Qu’est-ce que je fais là ?” ; ”Où est-ce que j’habite ?“
Le jour arrive où elle se perd dans son appartement, ne se rappelle plus où se situent les toilettes, la salle de bains ; où sont accrochées les serviettes ni où sont rangés les draps. Elle perd ses affaires, ne s’habille plus, ne se lave plus, ne sait plus reconnaître la droite de la gauche…
Aménager les zones à risques
Aménager pour prévenir les chutes & donner des repères
Fixation généralisée : tapis cloués au sol ou au moyen de bandes collantes double face ; planchers non vernis ; toilettes surélevées et barres d’appui de couleur vive douche avec siège escamotable et barres d’appui ; si la personne se cogne contre le mur ou contre les meubles, malgré un bon éclairage, on peut placer un ruban réflecteur aux coins des meubles, le long des plinthes.
Mise en place de repères temporels
Libre accès aux fenêtres pour pouvoir suivre le cycle du soleil et des saisons ; horloge simple avec de gros chiffres, horloge à carillon, coucou ; calendriers affichant un mois ou, mieux, un jour à la fois.
Mise en place de repères spatiaux
Signaler les toilettes par un logo en évitant le sigle “ WC ” (dévalorisant) ; placer des repères lumineux, des veilleuses près de la chambre et du séjour ; ne pas modifier l’emplacement des meubles.
Pour la décoration des murs les spécialistes recommandent l’utilisation du jaune paille, de l’orangé (à la cuisine ces couleurs excitent l’appétit) et du rouge (poignées de porte), plus faciles à reconnaître que des bleus et des verts car le cristallin de l’œil jaunit.
Une autre astuce consiste à établir un contraste de couleur entre les murs et les portes.
Ces techniques de communication sont utilisées en institution mais elles peuvent être pratiquées à domicile. Elles sont destinées à faire prendre conscience du temps, de l’espace, et de l’entourage.
“Bonjour, c’est moi Irène (ou Robert…) comment vas-tu ce matin ? Au fait, quel jour sommes-nous ? Eh oui, déjà samedi. Comment trouves-tu le temps ? (montrant la fenêtre). Je vais t’aider à t’habiller car il sera bientôt 9 heures du matin.”
En quelques mots, vous avez :
- établi un contact verbal ;
- reconnu cette personne comme un être humain à part entière par un dialogue simple, ponctué de temps d’arrêt pour lui permettre de répondre ;
- évité de le mettre en position d’échec en vous nommant plutôt qu’en l’obligeant à vous nommer ;
- fait appel à ses capacités : il a de bonnes chances de trouver la date demandée ;
- enfin, vous l’avez sécurisé en présentant des données qui l’aideront à savoir qui il est, qui sont ceux qui lui parlent, ce qu’ils vont faire pour lui.
La personne a répondu mardi au lieu de samedi ?
Aucune importance ! Insister sur l’erreur indiquerait que nous ne reconnaissons pas les efforts que fournit le malade. Celui-ci a compris le sens de la question et s’est efforcé d’y répondre.
Exemple : Sais-tu en quelle saison nous sommes ?
- Réponse : En été (alors que c’est l’hiver).
- Réponse à éviter : “Eh ! Non ! Nous sommes en hiver, pas en été !”
- Réponse à donner : "Toi aussi tu as hâte d’être en été mais, malheureusement, nous sommes encore en hiver… Regarde, les arbres n’ont pas de feuilles."
Au plan technique, les deux réponses sont exactes, mais la première ne tient pas compte de l’effort fourni et renvoie l’erreur en pleine figure. La seconde tente de ménager le malade en lui faisant voir que, d’une part, il a hâte d’être en été, et que, d’autre part, la réalité est tout autre.
Corriger les erreurs sans créer un sentiment d’échec :
Exemple : votre mère ou votre père vous donne un prénom qui n’est pas le vôtre ?
Vous lui répondrez : “D’après ton sourire, je vois que tu me reconnais. Ça arrive à tout le monde de s’embrouiller dans les prénoms… Mon nom est…” L’erreur est rectifiée sans que le malade puisse se sentir culpabilisé.
Si la personne est dans un état de détérioration tel qu’elle ne peut plus répondre ; si les réponses sont hors sujet, nulles ou empreintes d’anxiété, mieux vaut ne pas poser de question.
Il convient alors de rassurer en informant de façon affirmative ou
par constatation. Vous lui tiendrez par exemple ce langage : “Regarde
cette belle photo de famille ! Si je me souviens bien, ici c’est ta
fille Liliane. Elle vient samedi prochain. Et voilà Jacques. C’est lui
qui a appelé hier. Tu as sa photo sur la table. Tu es une bonne
grand-mère pour leurs enfants…”
Votre mère ou votre père refuse la réalité ?
Il ne faut pas aller contre les propos du malade.
Entendons-nous bien : il ne s’agit pas d’acquiescer à un délire, ni de mentir, mais de s’appuyer sur le passé pour renouer les fils ténus de la communication.
Par exemple, lorsque votre mère vous parle de sa propre mère comme d’une personne toujours vivante, ce serait une erreur de rétorquer qu’elle est décédée depuis vingt ans. Mieux vaut confirmer ses propos mais en privilégiant les sentiments. Une bonne repartie pourrait être :“Ta mère, tu l’aimais beaucoup ?” ou “Comment était ta mère ?” Ce sont deux questions valorisantes pour la personne.
Affirmer : “Ta mère est morte il y a vingt ans déjà” est le préalable à une “réaction catastrophique” !
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